Fondée en 1899, la Société des automobiles Renault frères s’est imposée en dix ans seulement comme le premier constructeur automobile français. La croissance des années 1920 et 1930 repose sur une stratégie d’intégration verticale, Louis Renault se donnant pour ambition de devenir le «Henry Ford» français, l’influence du fordisme et du taylorisme ayant profondément bouleversé les schémas de production alors en vigueur dans toute l’industrie, au-delà du seul secteur automobile.
La Régie nationale des usines Renault
Les années d’après-guerre marquent un tournant dans l’histoire de la firme au losange. Condamné pour faits de collaboration avec les autorités allemandes, Louis Renault voit son entreprise nationalisée et devenir la Régie nationale des usines Renault (RNUR). Le passage dans le giron public n’affecte pas le développement de l’entreprise qui, en 1948, lance la fameuse 4CV, véhicule devenu légendaire. L’époque est au mariage bien compris entre performance économique et paix sociale. Renault sert de laboratoire social à la politique salariale conduite par les pouvoirs publics. Les salariés de la Régie sont les premiers à bénéficier de la troisième semaine de congés payés, les premiers également à s’initier au capitalisme d’entreprise au moyen de la participation et de l’intéressement. Le succès du lancement de la Renault 5 en 1972 assure la prospérité du constructeur.
La crise des années 1980
Seule la persistance de la crise contraint Renault à de douloureuses adaptations au début des années 1980. Elles sont pour l’essentiel d’ordre industriel: le lancement de la Renault 14, baptisée «la poire», est un échec retentissant, Renault souffre alors d’une gamme vieillissante qui ne correspond plus au goût des consommateurs; social: le développement de la concurrence, notamment asiatique, engendre plusieurs vagues massives de licenciements; enfin, structurel. Le début des années 1990 est marqué par une privatisation partielle de l’entreprise et par l’adoption d’un statut sociétaire de droit commun. La crise ne sera surmontée qu’au prix d’une imagination renouvelée dans l’élaboration de nouveaux véhicules capables de séduire le public, capitalisant ainsi, au niveau industriel, l’avantage technologique dont la firme jouit dans le monde du sport mécanique, où elle enchaîne les succès tant dans les épreuves de rallye qu’en Formule 1 où elle fut sacrée, trois fois consécutivement, meilleur constructeur mondial.
Le retour du succès
L’année 1998 a été particulièrement florissante dans la mesure où Renault a affiché ses meilleurs résultats commerciaux obtenus les quinze dernières années, avec 2 128 000 véhicules vendus — soit une hausse de 15 % par rapport à l’année précédente — pour un chiffre d’affaires s’établissant à 243 milliards de francs, laissant un bénéfice net supérieur à 8 milliards de francs. La firme confirme ainsi sa place de troisième constructeur européen derrière Volkswagen et Fiat, et consolide les parts de marché qu’elle détient sur le continent européen, notamment en Allemagne — Renault est la première marque de voiture importée dans ce pays. Ces résultats historiques sont de nature à valider l’objectif stratégique défini par son président Louis Schweitzer, qui à l’horizon 2010 entend faire de Renault un constructeur capable de vendre 4 millions de véhicules par an en Europe.
Ces résultats bénéficiaires, qui surviennent après une bonne année 1997, ne doivent cependant pas masquer les difficultés que devra surmonter Renault pour réaliser cet objectif ambitieux. Si la reprise sur le marché français des immatriculations de véhicules a coïncidé avec le lancement de nouveaux modèles — Megane, Renault Scenic, Kangoo ou encore la Clio II —, créant ainsi un contexte favorable à la reprise des ventes, toute contraction du marché intérieur se répercute immédiatement sur les résultats du constructeur qui ne jouit pas d’une implantation internationale jugée suffisante pour limiter les effets de cycle affectant périodiquement l’industrie automobile.
Les nouveaux marchés
En outre, les entreprises du marché se livrent à une course au gigantisme — fusion de Chrysler et Daimler; acquisition par Ford de la division automobile du constructeur suédois Volvo; Volkswagen, qui disposait déjà de quatre marques, a pris le contrôle de Rolls — qui, à terme, selon les observateurs, ne laisserait place qu’à une dizaine de grands constructeurs dans le monde. Cette tendance pose le problème des alliances que Renault devrait nécessairement nouer pour maintenir la place qui est la sienne. Les expériences du passé, notamment l’échec du rapprochement avec Volvo, ont révélé les difficultés de Renault à collaborer avec des partenaires.
C’est certainement dans la volonté de montrer que l’entreprise a surmonté cet échec qu’il faut analyser les pourparlers engagés avec la firme japonaise Nissan en vue d’un rapprochement, qui s’est concrétisé au début de l’année 1999 (prise de participation de 36,8 % dans le capital de Nissan). Cet investissement industriel à long terme permet à Renault de prendre part sur des segments de marché (notamment les véhicules dits de loisirs) ainsi que dans des zones géographiques où la firme était faiblement implantée, voire absente — la zone Asie-Pacifique, les États-Unis. Renault complémente ainsi son implantation actuelle, essentiellement européenne et sud-américaine.